Reportage – Flex office : qui va à la chasse, perd sa place ?

Après l’open space, le Flex office arrive dans les entreprises françaises. Plébiscité par les grands groupes depuis la crise du Covid, c’est devenu le nouveau concept d’aménagement des espaces de travail.

Tour d’horizon sur cette tendance durable qui prend le pas sur les bureaux traditionnels et bouscule le monde de l’entreprise.

 

Choisir sa place, une nouvelle liberté en arrivant au travail

Lundi, 8h30, gare de Nantes. Marie, alternante, traverse la foule des voyageurs sortis du train. Elle rejoint rapidement son entreprise, Equans, située à quelques pas delà. Dans l’ascenseur, elle se demande déjà, à côté de quel(le) collègue elle va s’asseoir aujourd’hui ?

Comme 16 % des entreprises, Equans pratique le Flex office. Aussi appelé Flex desk, cette nouvelle tendance permet à chaque collaborateur de s’installer où il veut. En clair, plus de bureaux attitrés.

Totem de ces espaces d’un nouveau genre :le casier avec son rituel, le clean desk (faire table rase de ses affaires à la fin de la journée).

Marie sourit : « Après le café du matin avec les collègues, c’est pour moi, le deuxième petit plus de la journée, choisir ma place pour travailler ». Près de la fenêtre pour les rêveurs, à côté d’un collègue bavard pour passer une bonne journée ou au fond du bureau comme au lycée.

 

 

D’après une étude Deskeo publiée en mars 2021, 16% des entreprises françaises ont déjà mis en place le Flex office et55% l’envisagent sérieusement.

 

 

Quand les mètres carrés riment avec économie et écologie

Et pourquoi cette nouvelle lubie ? A dire vrai, le taux d’occupation des bureaux au sein des entreprises est passé de 80% à60% en quelques années.

Un chiffre qui s’explique par le nomadisme des équipes et la généralisation du télétravail après le Covid.

L’occasion pour les entreprises de repenser leurs espaces de travail. Quand on sait que l’immobilier représente le deuxième poste de dépenses après la masse salariale, le Flex office est apparu comme la solution toute trouvée pour faire des économies.

Mais pas seulement. Pour Equans, engagé dans la transition énergétique, réduire son empreinte carbone à travers le Flex office est aussi une évidence.

En déménageant en avril 2022 côté gare, l’entreprise a troqué ses bons vieux bureaux pour de nouveaux locaux plus grands et plus lumineux. Au programme, des salles de réunion, des espaces collaboratifs et des bulles.

Bref, des locaux conçus dans un état d’esprit collectif mais aussi durable. Avec l’optimisation des locaux, c’est la chasse au superflu. Fini le mobilier individuel et le papier, place à l’ère de la sobriété.

Ingrédient clé du collectif de travail

Liberté, agilité, créativité, le Flex office est synonyme d’anti-routine. La Direction d’Equans affirme même : « Maintenant, place au collectif ».

Avec le Flex office, fini les symboles ! Le responsable de service est un collaborateur comme les autres qui prend place au milieu de ses équipes. Tout est fait pour créer les échanges. Alors, tout est-il si rose dans le monde du Flex office ?

Tous heureux au bureau ?

Si le Flex office a ses adeptes, tous les collaborateurs ne s’y retrouvent pas. Chiffre alarmant, selon une étude de l’Essec Workplace Management de juin 2021, seuls 4 % des salariés seraient emballés à l’idée du Flex office. Le reste juge la pratique peu hygiénique, impersonnelle et synonyme d’isolement.

Dans la pratique, Vincent soupire : « Passer un coup de lingette tous les matins sur le bureau pour enlever les miettes du collègue de la veille, ce n’est pas vraiment ma tasse de thé ».

D’autres salariés d’Equans partagent le même sentiment. Yvan avoue :

« Maintenant, sans bureau fixe, je ne peux plus avoir sous le coude ma réserve de Bounty, mes chocolats préférés ». EtCaroline, dernière arrivée le matin, regrette de devoir s’installer deux couloirs plus loin faute de place auprès de ses collègues.

Selon Valentina Urreiztieta, psychologue du travail, « l’attachement à une entreprise passe beaucoup par l’espace physique ».

Ranger ses affaires tous les matins et tous les soirs dans son casier devient, pour certains collaborateurs, un véritable casse-tête chinois.

Pas étonnant que plusieurs d’entre eux développent un sentiment de mécontentement. Alors, comment faire pour que le casier ne devienne pas le symbole de l’agacement au bureau ?

 

 

Le Flex office appelle à un nouveau mode de management.

Humble, à l’écoute, empathique et surtout au service de ses collaborateurs : le leadership serviteur.

 

Et si le management reprenait sa place ?

Bien plus qu’un simple changement de décoration, le Flex office est un véritable rite de passage pour le management de l’entreprise. Une conduite du changement ratée et c’est le moral des équipes qui se trouve mis à mal. Preuve en est, certaines entreprises font même marche arrière.

La solution pour ne pas en arriver là ?Préserver les individualités tout en instaurant une dynamique de groupe, c’est tout le jeu d’équilibre du Flex office.

Et pour conquérir le coeur des collaborateurs, le management doit alors reprendre ses fondamentaux. L’écoute, l’empathie, la connaissance du terrain et de ses équipes.

Chez Equans, pour maintenir le lien entre les collègues sur site, répartis à plusieurs endroits du fait du Flex office et les collègues en télétravail, la responsable du service, Cindy a inventé le « café virtuel ». Un rappel Outlook quotidien à 10 heures qui invite tous les collaborateurs à se retrouver autour d’un café. Autre initiative de Cindy, faire un restaurant entre collègues pour remercier l’équipe après une période intensive de clôture de paie.
Et si c’était ça, la clef ?

Par Marie BÂCLE
Reporter sans bureau à l’oeil curieux